195 Corneille, Cinna, Acte IV, scène 3 [vers 1217-1244]:

[vers 1217-1244]:

AUGUSTE
Gagnons-les tout à fait en quittant cet empire
Qui nous rend odieux, contre qui l’on conspire.
J’ai trop par vos avis consulté là-dessus ;
1220] Ne m’en parlez jamais, je ne consulte plus.
Cesse de soupirer, Rome, pour ta franchise :
Si je t’ai mise aux fers, moi-même je les brise,
Et te rends ton Etat, apres l’avoir conquis,
Plus paisibIe et plus grand que je ne te I’ai pris ;
1225] Si tu me veux haïr, hais-moi sans plus rien feindre ;
Si tu me veux aimer, aime-moi sans me craindre :
De tout ce qu’eut Sylla de puissance et d’honneur,
Lassé comme iI en fut, j’aspire a son bonheur.

LIVIE
Assez et trop longtemps son exemple vous flatte;
1230] Mais gardez que sur vous Ie contraire n’éclate :
Ce bonheur sans pareil qui conserva ses jours
Ne serait pas bonheur, s’il arrivait toujours.

AUGUSTE
Eh bien, s’il est trop grand, si j’ai tort d’y prétendre,
J’abandonne mon sang à qui voudra l’épandre.
1235] Après un long orage iI faut trouver un port;
Et je n’en vois que deux, Ie repos, ou la mort.

LIVIE
Quoi ? vous voulez quitter Ie fruit de tant de peines ?

AUGUSTE
Quoi ? vous voulez garder I’objet de tant de haines?

LIVIE
Seigneur, vous emporter à cette extrémité,
1240] C’est plutôt désespoir que générosité.

AUGUSTE
Régner et caresser une main si traîtresse,
Au lieu de sa vertu, c’est montrer sa faiblesse.

LIVIE
C’est régner sur vous-même, et par un noble choix
Pratiquer la vertu Ia plus digne des rois.

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