330 Assignment: Balzac et la Comédie Humaine

Maxime Dastugue. Honoré de Balzac, 1886.

Vous connaissez probablement Balzac de nom et avez même sans doute déjà lu quelques extraits de ses romans. Cette lecture interactive vous propose de découvrir sa vie et des extraits de la préface de son oeuvre, La Comédie Humaine. Veillez à cliquer sur tous les boutons et à bien lire les informations énoncées sur ce Critical Reader qui vous serviront à la discussion en classe.


I. Résumé de la vie de Balzac
20 mai 1799 : Balzac naît à Tours. il a 4 frères et sœurs, et entretient une relation privilégiée avec sa soeur Laure.
1807-1813 : il séjourne en pensionnat chez les oratoriens de Vendôme.
1814-1816 : déménagement à Paris ; Balzac devient clerc chez un avoué ; il prend des cours de droit et développe une passion pour la philosophie. Désireux d’accomplir ses ambitions littéraires, il décide de s’installer dans une mansarde pendant un an pour se consacrer à l’écriture. Cette expérience se soldera par un échec.
1821-1825 : Balzac publie ses premiers romans sous un pseudonyme ; rencontre avec Mme de Berny.
1825-1828 : Balzac se lance dans les affaires : il s’associe à un libraire puis achète une imprimerie, rue Visconti. C’est un désastre financier (Balzac contracte environ 100 000 francs de dettes).
1829-1841 : Balzac rencontre enfin le succès avec la publication de ses premières œuvres.
1832 : Balzac est attiré par une carrière politique. Il a des opinions monarchistes et catholiques. Il fonde sa doctrine sociale sur l’autorité politique et religieuse.
Janvier 1833 : Balzac entame une correspondance avec une admiratrice polonaise, Mme Hanska.
1840-1847 : Balzac se retire dans la maison de Passy.
1842 : Balzac choisit le titre de son oeuvre : elle s’intitulera la Comédie Humaine.
Mars 1850 : Balzac se marie avec Mme Hanska qui était veuve depuis 1841.
18 août 1850 : Balzac meurt à 51 ans, trois mois après son retour à Paris.

*Balzac travaillait sans cesse et avec acharnement. Pour tenir ce rythme effréné, il buvait des « torrents de café » (à lire : « Traité des excitants modernes », 1839 mais à ne pas imiter !)

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L’avant-propos de la Comédie Humaine

Je vous invite maintenant à lire l’avant-propos dans son intégralité (cliquez ICI). Ensuite, vous cliquerez sur le bouton pour passer à la page suivante et ferez les exercices. Bon courage !


Extrait n°1

 

L’idée première de la Comédie humaine fut d’abord chez moi comme un rêve, comme un de ces projets impossibles que l’on caresse et qu’on laisse s’envoler ; une chimère qui sourit, qui montre son visage de femme et qui déploie aussitôt ses ailes en remontant dans un ciel fantastique. Mais la chimère, comme beaucoup de chimères, se change en réalité, elle a ses commandements et sa tyrannie auxquels il faut céder.

Cette idée vint d’une comparaison entre l’Humanité et l’Animalité.

Ce serait une erreur de croire que la grande querelle qui, dans ces derniers temps, s’est émue entre Cuvier et Geoffroi Saint-Hilaire, reposait sur une innovation scientifique. L’unité de composition occupait déjà sous d’autres termes les plus grands esprits des deux siècles précédents. En relisant les œuvres si extraordinaires des écrivains mystiques qui se sont occupés des sciences dans leurs relations avec l’infini, tels que Swedenborg, Saint-Martin, etc., et les écrits des plus beaux génies en histoire naturelle, tels que Leibnitz, Buffon, Charles Bonnet, etc., on trouve dans les monades de Leibnitz, dans les molécules organiques de Buffon, dans la force végétatrice de Needham, dans l’emboîtement des parties similaires de Charles Bonnet, assez hardi pour écrire en 1760 : L’animal végète comme la plante ; on trouve, dis-je, les rudiments de la belle loi du soi pour soi sur laquelle repose l’unité de composition. Il n’y a qu’un animal. Le créateur ne s’est servi que d’un seul et même patron pour tous les êtres organisés. L’animal est un principe qui prend sa forme extérieure, ou, pour parler plus exactement, les différences de sa forme, dans les milieux où il est appelé à se développer. Les Espèces Zoologiques résultent de ces différences. La proclamation et le soutien de ce système, en harmonie d’ailleurs avec les idées que nous nous faisons de la puissance divine, sera l’éternel honneur de Geoffroi Saint-Hilaire, le vainqueur de Cuvier sur ce point de la haute science, et dont le triomphe a été salué par le dernier article qu’écrivit le grand Goethe.


Extrait n°2

 

Mais comment rendre intéressant le drame à trois ou quatre mille personnages que présente une Société ? comment plaire à la fois au poète, au philosophe et aux masses qui veulent la poésie et la philosophie sous de saisissantes images ? Si je concevais l’importance et la poésie de cette histoire du cœur humain, je ne voyais aucun moyen d’exécution ; car, jusqu’à notre époque, les plus célèbres conteurs avaient dépensé leur talent à créer un ou deux personnages typiques, à peindre une face de la vie. Ce fut avec cette pensée que je lus les œuvres de Walter Scott. Walter Scott, ce trouveur (trouvère) moderne, imprimait alors une allure gigantesque à un genre de composition injustement appelé secondaire. N’est-il pas véritablement plus difficile de faire concurrence à l’État-Civil avec Daphnis et Chloë, Roland, Amadis, Panurge, Don Quichotte, Manon Lescaut, Clarisse, Lovelace, Robinson Crusoë, Gilblas, Ossian, Julie d’Etanges, mon oncle Tobie, Werther, René, Corinne, Adolphe, Paul et Virginie, Jeanie Dean, Claverhouse, Ivanhoë, Manfred, Mignon, que de mettre en ordre les faits à peu près les mêmes chez toutes les nations, de rechercher l’esprit de lois tombées en désuétude, de rédiger des théories qui égarent les peuples, ou, comme certains métaphysiciens, d’expliquer ce qui est ? D’abord, presque toujours ces personnages, dont l’existence devient plus longue, plus authentique que celle des générations au milieu desquelles on les fait naître, ne vivent qu’à la condition d’être une grande image du présent. Conçus dans les entrailles de leur siècle, tout le cœur humain se remue sous leur enveloppe, il s’y cache souvent toute une philosophie. Walter Scott élevait donc à la valeur philosophique de l’histoire le roman, cette littérature qui, de siècle en siècle, incruste d’immortels diamants la couronne poétique des pays où se cultivent les lettres. Il y mettait l’esprit des anciens temps, il y réunissait à la fois le drame, le dialogue, le portrait, le paysage, la description ; il y faisait entrer le merveilleux et le vrai, ces éléments de l’épopée, il y faisait coudoyer la poésie par la familiarité des plus humbles langages. Mais, ayant moins imaginé un système que trouvé sa manière dans le feu du travail ou par la logique de ce travail, il n’avait pas songé à relier ses compositions l’une à l’autre de manière à coordonner une histoire complète, dont chaque chapitre eût été un roman, et chaque roman une époque. En apercevant ce défaut de liaison, qui d’ailleurs ne rend pas l’Écossais moins grand, je vis à la fois le système favorable à l’exécution de mon ouvrage et la possibilité de l’exécuter. Quoique, pour ainsi dire, ébloui par la fécondité surprenante de Walter Scott, toujours semblable à lui-même et toujours original, je ne fus pas désespéré, car je trouvai la raison de ce talent dans l’infinie variété de la nature humaine. Le hasard est le plus grand romancier du monde : pour être fécond, il n’y a qu’à l’étudier. La Société française allait être l’historien, je ne devais être que le secrétaire. En dressant l’inventaire des vices et des vertus, en rassemblant les principaux faits des passions, en peignant les caractères, en choisissant les événements principaux de la Société, en composant des types par la réunion des traits de plusieurs caractères homogènes, peut-être pouvais-je arriver à écrire l’histoire oubliée par tant d’historiens, celle des mœurs.


Extrait n°3

 

La loi de l’écrivain, ce qui le fait tel, ce qui, je ne crains pas de le dire, le rend égal et peut-être supérieur à l’homme d’état, est une décision quelconque sur les choses humaines, un dévouement absolu à des principes. Machiavel, Hobbes, Bossuet, Leibnitz, Kant, Montesquieu sont la science que les hommes d’état appliquent. « Un écrivain doit avoir en morale et en politique des opinions arrêtées, il doit se regarder comme un instituteur des hommes ; car les hommes n’ont pas besoin de maîtres pour douter, » a dit Bonald. J’ai pris de bonne heure pour règle ces grandes paroles, qui sont la loi de l’écrivain monarchique aussi bien que celle de l’écrivain démocratique. Aussi, quand on voudra m’opposer à moi-même, se trouvera-t-il qu’on aura mal interprété quelque ironie, ou bien l’on rétorquera mal à propos contre moi le discours d’un de mes personnages, manœuvre particulière aux calomniateurs. Quant au sens intime, à l’âme de cet ouvrage, voici les principes qui lui servent de base.

L’homme n’est ni bon ni méchant, il naît avec des instincts et des aptitudes ; la Société, loin de le dépraver, comme l’a prétendu Rousseau, le perfectionne, le rend meilleur ; mais l’intérêt développe aussi ses penchants mauvais. Le christianisme, et surtout le catholicisme, étant, comme je l’ai dit dans le Médecin de Campagne, un système complet de répression des tendances dépravées de l’homme, est le plus grand élément d’Ordre Social.


Extrait n°4

 

Les écrivains qui ont un but, fût-ce un retour aux principes qui se trouvent dans le passé par cela même qu’ils sont éternels, doivent toujours déblayer le terrain. Or, quiconque apporte sa pierre dans le domaine des idées, quiconque signale un abus, quiconque marque d’un signe le mauvais pour être retranché, celui-là passe toujours pour être immoral. Le reproche d’immoralité, qui n’a jamais failli à l’écrivain courageux, est d’ailleurs le dernier qui reste à faire quand on n’a plus rien à dire à un poète. Si vous êtes vrai dans vos peintures ; si à force de travaux diurnes et nocturnes, vous parvenez à écrire la langue la plus difficile du monde, on vous jette alors le mot immoral à la face. Socrate fut immoral, Jésus-Christ fut immoral ; tous deux ils furent poursuivis au nom des Sociétés qu’ils renversaient ou réformaient. Quand on veut tuer quelqu’un, on le taxe d’immoralité. Cette manœuvre, familière aux partis, est la honte de tous ceux qui l’emploient. Luther et Calvin savaient bien ce qu’ils faisaient en se servant des intérêts matériels blessés comme d’un bouclier ! Aussi ont-ils vécu toute leur vie.


Extrait n°5

 

Les Scènes de la vie privée représentent l’enfance, l’adolescence et leurs fautes, comme les Scènes de la vie de province représentent l’âge des passions, des calculs, des intérêts et de l’ambition. Puis les Scènes de la vie parisienne offrent le tableau des goûts, des vices et de toutes les choses effrénées qu’excitent les mœurs particulières aux capitales où se rencontrent à la fois l’extrême bien et l’extrême mal. Chacune de ces trois parties a sa couleur locale : Paris et la province, cette antithèse sociale a fourni ses immenses ressources (…).

 

Après avoir peint dans ces trois livres la vie sociale, il restait à montrer les existences d’exception qui résument les intérêts de plusieurs ou de tous, qui sont en quelque sorte hors la loi commune : de là les Scènes de la vie politique. Cette vaste peinture de la société finie et achevée, ne fallait-il pas la montrer dans son état le plus violent, se portant hors de chez elle, soit pour la défense, soit pour la conquête? De là les Scènes de la vie militaire, la portion la moins complète encore de mon ouvrage (…).

 

Enfin, les Scènes de la vie de campagne sont en quelque sorte le soir de cette longue journée, s’il m’est permis de nommer ainsi le drame social. Dans ce livre, se trouvent les plus purs caractères et l’application des grands principes d’ordre, de politique, de moralité ».


Balzac. Portrait de Honoré de Balzac, 1842.

La Comédie Humaine est l’oeuvre de toute une vie. Elle comprend 2209 personnages qui apparaissent dans 91 ouvrages. Ces personnages n’étaient pas seulement des êtres de fiction pour Balzac mais des compagnons de route qui l’ont suivi jusqu’à la fin : on dit que, sur son lit de mort, Balzac a appelé Horace Bianchon, le grand médecin de la Comédie Humaine.

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